La fortune est dans le bois de Clémentine VUILLET

« Voilà, c’est ici, au bout de l’allée. Je t’accompagne pas, tu sauras bien trouver non ? Y’a pas trente-six chemins t’façon... Aller au-r’voir Églantine ! Oublie pas d’écrire à ta mère ! »
La fillette eut à peine le temps de descendre de la voiture à cheval que déjà elle s’ébranlait. Ce n’était pourtant pas que le cheval était vigoureux, mais la conductrice avait la poigne pour le faire trotter.
« Ça lui f’ra plaisir, la pauvre femme... si elle est encore en vie... vu le temps que le courrier met pour arriver... », et la vieille femme continua de maugréer pendant une bonne partie de son retour.
La gamine se retrouva les pieds dans la boue, sans vraiment apercevoir le chemin qu’elle était censée emprunter. Elle regarda autour d’elle et frissonna : le paysage semblait pour le moins hostile, les arbres nus alentour, le temps gris avec cette pluie dont elle redoutait la venue pourtant imminente... Elle se trouva bien misérable : elle ne pouvait même pas savoir quelle heure il était.
« Ça y est, pensa-t-elle, c’est arrivé... et zut ! ». _ Elle s’était promis de tout faire pour éviter ça, et finalement, le moment était venu et elle avait été incapable de faire quoi que ce soit pour l’en empêcher. Elle avait été lâche et elle méritait bien ce qui lui arrivait.
« Enfin, peut-être pas complètement non plus... »

Églantine se retrouvait sépareée de ses parents à cause de la guerre. Dès le début, son père s’était engagé avec l’élan patriotique de son village. Malheureusement pendant les premiers jours, il avait été gravement accidenté et comme la guerre ne faisait que commencer, il avait immédiatement été rapatrié chez lui. Mais à cause d’un malentendu, il n’avait pu recevoir de soins. Tous les médecins avaient été progressivement réquisitionnés et le village s’en était bientôt trouvé complètement dépourvu ; il avait alors connu des périodes d’épidémies meurtrières décimant peu à peu les veuves de guerre, les vieillards et les nouveau-nés. Dans la semaine qui avait précédé le départ d’Églantine, l’état de son père s’était subitement aggravé après quelques mois de convalescence plutôt encourageante. La gangrène attaquait la jambe qu’il s’était fracturée à une vitesse foudroyante.
La malchance semblait s’en prendre au foyer car le courrier avait également annoncé le décès du grand frère au front. Il était la fierté de la famille, tous le prédestinaient à une carrière brillante. Cette tragédie avait complètement désespéré sa mère. Elle ne mangeait plus et se laissait dépérir.
Il avait fallu que la voisine, Mme Marcelle s’en mêle et s’occupe du foyer. C’était une femme forte et très autoritaire qui avait des idées bien arrêtées et qui n’était pas du genre à revenir sur une décision. Aussitôt qu’elle eut pris l’initiative de « sauver » cette famille de la décadence, elle s’y donna corps et bien, ce qui n’était pas une preuve de générosité exceptionnelle puisqu’elle vivait seule depuis des années grâce à des ressources inexpliquées par la majeure partie de la population. Les autres, sans doute, avaient remarqué qu’elle ne ménageait pas sa peine pour entretenir son potager en été, et pour effectuer des ouvrages de coutures en hiver, qu’elle revendait au marché ; ou bien ils se moquaient parfaitement des moyens qu’elle employait pour survivre.
Églantine avait alors vu arriver la période de « reconstruction », comme elle l’appelait : elle avait dû sacrifier sa liberté. Mme Marcelle la forçait à préparer les repas, faire la vaisselle, faire une grande partie du ménage... choses auxquelles la bonté de sa mère ne l’avait jamais forcée. Elle avait également trouvé l’idée des leçons de morales appropriées tous les matins aux tâches qu’elle lui réservait dans la journée. Quand elle voulait que la fillette nettoie de fond en comble la cave, elle lui apprenait qu’il ne fallait jamais déranger ou imposer sa présence à personne lorsqu’on est bien élevé. Ainsi Églantine était forcée d’obéir, bien qu’elle ne fût pas dupe, et de toute façon, plus personne dans la maison n’aurait pu ou voulu prendre son parti. Même son père n’en avait plus le courage. Lorsqu’elle le suppliait du regard, il détournait la tête : lui aussi était très marqué par la mort de son fils. La petite fille n’existait plus vraiment pour personne, alors que paradoxalement elle était la dernière du logis à continuer de vivre.
Lors des derniers jours, la mère d’Églantine perdait la tête et ne reconnaissait plus personne. La voisine lui avait demandé si elle acceptait qu’on envoie sa fille dans une pension pour plus de tranquillité le temps que la guerre se finisse.
« Ta mère est triste mais elle pense quand même que c’est-ce qu’il y a de mieux pour toi... » avait expliqué Mme Marcelle. « Tu seras en sécurité... c’est-ce qui compte le plus pour elle. »
En vérité, elle lui avait demandé qui était sa fille et comment il se faisait qu’elle ne la vît jamais. Puis elle avait commencé à divaguer car elle n’arrivait guère à rester consciente plus de quelques instants. La voisine avait préféré raconter à la fillette une version plus maternelle pour lui donner du courage mais surtout pour se convaincre elle-même qu’elle faisait le bon choix.

Le jour du départ, Mme Marcelle doutait encore, inconsciemment.
« Ce sont sûrement des gens très biens », pensait-elle. En fait, elle ne les connaissait même pas. Sa cousine... ou quelqu’un d’autre, mais qu’importe ? lui avait parlé d’eux autrefois. Ils étaient très gentils. Mme Marcelle leur avait fait une demande écrite et avait reçu une réponse favorable très peu de temps après (elle n‘avait rien trouvé à dire contre le service des postes cette fois-là). Elle en avait déduit qu’il ne fallait pas perdre de temps non plus pour conduire la fillette. Et tant pis si elle devait le faire elle-même, les cochers demandaient toujours beaucoup trop. Elle ne lui voyait pas d’avenir possible et pensait que tantôt sa santé lui ferait défaut comme à la mère, car l’hiver arrivait et il s’annonçait rude, avec de trop maigres provisions pour quatre.

Églantine se sentait complètement perdue. Elle n’avait pas attendu plus de quelques minutes dans le froid, juste le temps de voir la charrette disparaître et de ne plus entendre le bruit de ses roues dans les flaques.
Maintenant, elle avait l’impression d’être là depuis une éternité et surtout que plus aucune voiture ne passerait jamais. Ça ne la rassurait pas, elle qui s’était figurée tous les moyens pour s’enfuir si elle ne se plaisait pas ici. De plus, elle n’avait pas pu s’empêcher de remarquer que les gens chez qui elle s’aventurait habitaient très loin de chez elle. Elle n’aurait pas pu revenir à pied sinon il lui aurait fallu au moins deux jours ! Églantine se sentit alors vraiment abandonnée. Puisqu’elle n’avait pas d’autre choix, elle reprit son sac en main. Il ne contenait pas grand-chose, mais normalement au moins un gâteau fait par Mme Marcelle en guise de remerciement et un peu de linge pour la fillette. Elle remarqua sur le sol d’anciennes traces de roues dans l’herbe, que la pluie n’avait pas réussi à effacer. Ce devait être le chemin, de toute façon elle ne voyait rien d’autre. Elle se décida alors à le suivre ; elle n’allait pas rester là toute la journée non plus ? Mais plus elle avançait, plus elle doutait. Ces gens, elle ne les connaissait pas. Peut-être étaient-ils bizarres... Peut-être avaient-ils des poules dans leur cour...
« Oh non, pas ça ! » pensa Églantine. En dehors de Mme Marcelle, c’était la chose qui l’effrayait le plus. Les poules peuvent être terribles ! Elles ont un bec, des pattes griffues, de petits yeux perçants... Une fois, alors qu’elle était toute petite, elle avait vu toutes les poules d’un voisin se jeter sur l’une d’entre elles. La malheureuse avait été becquetée, piétinée, toutes ses plumes avaient été arrachées... Elle était finalement morte au milieu de la cour, puis avait mystérieusement disparu pendant la nuit. Églantine qui, par nature, aimait beaucoup les animaux, avait été choquée. Lorsque son père réussit enfin à lui faire avouer ce qu’elle avait vu, il se moqua d’elle gentiment en lui expliquant que les poules sont des êtres très calmes et qui, de surcroît ne mangent pas de viande. Elle lui expliqua qu’elles ne l’avaient pas mangée mais simplement massacrée d’une façon sanglante. Son père resta longtemps perplexe car il ne voulait pas croire sa fille. Il eut finalement le bon sens de la laisser penser ce qu’elle souhaitait après l’avoir convaincue qu’aucune poule n’aurait jamais le courage de venir la picorer. Ça la rassura pour un temps mais elle passa cependant de nombreuses nuits blanches à cause de cet incident.

Elle marchait depuis au moins cinq minutes, non ? _ Églantine n’en savait rien. D’un tempérament plutôt rêveur, elle avait eu toujours ce problème : elle n’avait pas la notion du temps. Sa mère l’avait souvent grondée à cause de cela, car elle pouvait rester aisément en contemplation devant la moindre chose pendant plus d’une heure sans avoir eu l’impression d’y rester une minute. Mais en ce moment, elle était sûre d’elle. Pour se le prouver, elle regarda en arrière. Aussi loin que portait son regard, elle n’apercevait plus la route par laquelle elle était venue, et ce n’était pas ce qui la rassurait le plus. Heureusement, le chemin qu’elle suivait était de plus en plus visible... ou alors c’était à force de le chercher que son regard s’était habitué. Elle ne savait plus et commençait à se sentir fatiguée. Elle était partie très tôt le matin, Mme Marcelle l’avait réveillée alors qu’il faisait encore nuit. Ç’avait été le pire réveil de sa vie.
Elle avait l’impression d’être debout depuis une éternité, d’ailleurs la tête commençait à lui tourner. Elle se serait volontiers assise, mais le sol détrempé qui l’entourait l’en empêchait. Elle frissonna puis respira profondément et regarda en l’air. Le ciel muet continuait de se charger au dessus de sa tête. Il devenait urgent de trouver la maison de ses hôtes. De plus, elle commençait à avoir faim, mais c’était une habitude qu’elle avait apprise à contrôler. Églantine ne doutait pas que là-bas la vie ne serait pas plus facile qu’avec Mme Marcelle. Elle soupira et s’aperçut qu’elle n’allait pas tarder à devoir traverser un petit bois... En fait, elle ne pouvait pas juger de sa taille, mais elle préférait se forcer à penser que c’était juste un tout petit bosquet, qui serait d’ailleurs le bienvenu puisque la pluie ne pouvait plus tarder.
« Les poules ne vivent pas dans les bois » se dit-elle pour se rassurer. Et elle s’engagea à l’intérieur.
L’atmosphère était ouatée, terriblement calme. La fillette resserra son gilet autour de ses épaules et s’avança d’un pas sûr. Pourtant, s’il y avait une chose dont elle était convaincue, c’était qu’à ce moment précis, elle n’avait absolument pas confiance en elle.
Lorsqu’elle eut réussi à se calmer un peu, elle remarqua quelque chose, mais elle ne pouvait déceler ce que c’était. Le froid peut-être s’atténuait légèrement. Non, ce n’était pas ça... Il y avait quelque chose de différent... Une présence... Ça non plus ce n’était pas rassurant... et ce bois qui n’en finissait pas ! Elle continuait pourtant d’avancer car l’envie de sortir lui donnait presque des ailes, mais peu à peu elle se rendait compte qu’elle « mollissait ». Ses jambes commençaient à s’engourdir, son esprit à s’embrumer...
Malgré ses efforts, elle sentait que ses idées devenaient confuses, alors elle décida de se concentrer sur un seul objectif : ne pas s’endormir. C’était extrêmement difficile car cette phrase a un pouvoir soporifique incontestable. Elle rageait doucement en se souvenant des nombreuses nuits pendant lesquelles elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, et maintenant qu’il lui fallait rester éveillée, elle n’y arrivait pas !
« J’ai entendu une poule ! » dit une voix dans sa tête. « Il y a des poules dans ce bois, c’est certain ! Elles se cachent ici parce qu’elles sont beaucoup plus grosses que les poules habituelles ! Et non seulement elles sont gigantesques mais en plus elles sont ... carnivores... »
« Non, c’est impossible », bougonna tout haut Églantine : « Les poules ne mangent pas de viande et elles ne vivent pas dans les bois ». Elle était un peu déçue car elle espérait que l’évocation des poules la réveillerait mais ça n’avait pas suffi. Elle continuait de marcher tristement et de plus en plus lentement. C’était une torture.

Bientôt elle arriva à un carrefour. Elle regarda en arrière mais ne vit rien que de la forêt partout autour d’elle. Elle était lassée, elle en avait marre, si elle avait pu mettre un terme à tout cela ... Elle était tellement mieux chez elle... Oui, tout ça, c’était à cause de cette fichue Mme Marcelle. Lui avait-on demandé quelque chose à celle-là ? Pourquoi venait-elle se mêler des affaires des autres ? Personne ne l’avait réclamée ! Cette soudaine colère ranima subitement les sens endormis d’Églantine. Bon, inutile de s’énerver... il fallait garder son énergie pour la route et pour Mme Marcelle, la prochaine fois qu’elle la verrait... A présent, mieux valait se décider sur la direction à prendre : le chemin de droite était plus propre, il était aisé à suivre ; celui de gauche s’enfonçait parmi les ronces. Depuis le début, elle était intimement convaincue que la maison se trouverait sur la gauche, mais ce sentier n’était pas engageant. Elle resta indécise un moment, fermant les yeux... Peut-être s’était-elle endormie ... Lorsqu’elle les rouvrit, elle ne savait toujours pas quoi faire, alors instinctivement, elle partit sur la gauche.

Églantine avait eu un flash, elle s’était rappelé qu’il y a bien longtemps ses parents lui avaient parlé de sa grand-mère : une femme au tempérament bien trempé, plutôt insupportable et désagréable avec tout le monde sans raison. Était-elle morte ? Personne n’eût pu le dire, car un beau jour, elle avait disparu de chez son fils où elle habitait, et plus personne ne l’avait vue depuis. Certains pensaient que lors d’une crise de somnambulisme, elle aurait quitté la maison et se serait faite dévorer par un loup. Il existait des versions plus horribles, mais ses parents avaient cru bon d’en dispenser Églantine.

Ce souvenir lui permit d’accumuler la crainte des loups à l’angoisse qui la dévorait déjà. Quelque chose de nouveau la choqua soudain. L’obscurité. Cette parcelle du bois devait être vraiment très sombre ou alors... c’était la nuit qui commençait à tomber ? Perspective peu rassurante et maintenant qu’elle savait qu’elle avait marché toute la journée, Églantine se sentit complètement accablée et affamée, mais il n’était pas question qu’elle mange ce qu’elle avait dans son sac : c’était un cadeau et cela ferait mauvais genre d’arriver avec un cadeau à demi consommé. Mais plus le temps passait, plus elle doutait de jamais arriver à destination.
Il fallait être réaliste, elle était perdue. Quoique... peut-être que même avec toute la bonne volonté du monde, elle aurait été bien incapable de trouver le chemin, simplement parce qu’il n’existait pas et que c’était Mme Marcelle, la fourbe, qui avait inventé toute l’histoire pour se débarrasser d’elle !
Jamais Églantine n’avait davantage détesté sa voisine, même lorsqu’elle l’avait obligée de récurer la vieille auge des cochons qui ne servait plus depuis un demi-siècle ! Mais alors qu’elle donnait un coup de pied dans une branche morte pour calmer sa fureur, en vain, elle aperçut brièvement une lueur rouge, incandescente dans la nuit tombante. Elle s’immobilisa, le souffle court, et regretta doublement son geste car la branche émit un craquement funeste qui se répercuta parmi les arbres longtemps, longtemps, ...
« Qui va là ? » lança une voix agressive.
La fillette ne se sentait plus la force ni le courage de répondre. Sur quoi allait-elle tomber à présent ? Sa vision et ses pensées commençaient à se brouiller tant elle était désespérée... Elle continuait d’avancer en trébuchant à chaque pas, une main crispée sur son sac, l’autre sur la boutonnière de son gilet. Elle était dans un triste état, les bas déchirés, la robe couverte de feuilles et d’épines accrochées au passage... Quelqu’un avait bondi hors d’un buisson.
« Ne me fâche pas, maman », gémit Églantine en essayant de cacher sa robe avec ses mains. Sa voix s’étranglait dans sa gorge. Elle ne distinguait plus ses songes de la réalité et se voyait rentrant chez elle trop tard après une journée de promenade...
« Mais qu’est-ce que c’est qu’ça encore là ? Oh mais... Nan n’aies pas peur, bouge pas j‘te dis ! Bon Dieu, mais ça va bien faire dix ans que j’ai plus touché à d’l’alcool pourtant ! J’y vois-t-y bien clair ? Ah ben mais oui... Bon aller viens-là toi ! » Une femme au visage hirsute s’approcha et rattrapa Églantine qui s’évanouissait.
« Nom de Dieu ! Eh bah elle est bien entretenue la descendance, quand on s’en va ! »

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Églantine vit qu’elle était couchée dans une grotte éclairée d’une lueur rouge qui provenait d’un feu de bois. L’entrée était dissimulée par des branchages et elle pouvait apercevoir le noir de la nuit et même quelques étoiles au travers. Une vieille femme assise près du feu semblait occupée par des travaux de couture. Elle tourna la tête vers celle qu’elle avait sauvée puis retourna à ses occupations sans manifester plus d’intérêt.
« T’as eu d’la chance, petite » commença la vieille. « Cette forêt est gigantesque et il paraît que seules les âmes pures y trouvent leur chemin. Les autres sont condamnées à errer ici jusqu’à ce que la mort les emporte, parfois c’est plus lent que prévu. » Elle se sourit à elle-même et garda le silence un instant. Elle reprit d’une voix moins brutale, moins forte, moins rapide, voulant se justifier :
« J’étais venue ici pour voir ce que je valais, savoir si les gens avaient raison... »
Un déclic se fit dans l’esprit de la fillette, elle se retourna lentement vers la vieille femme en écarquillant les yeux, cherchant une réponse dans les traits de son visage. L’autre haussa les sourcils et pris l’air ennuyé, mais toujours sans croiser le regard d’Églantine, comme si elle avait honte de quelque chose qu’elle n’osait pas avouer...
« Il faut pas écouter ce que disent les gens. »
Églantine ferma les yeux. Elle savait qu’elle était entre de bonnes mains et que le lendemain et les jours qui suivraient, la vie serait plus belle qu’elle ne l’avait jamais été. Elle se sentait bercée par la douce chaleur du feu et ne tarda pas à se rendormir.

Une petite charrette arrivait à fond de train sur la route. Elle était dirigée par une femme d’une taille imposante qui arrêta les chevaux parce qu’elle se sentait elle-même un peu essoufflée. Elle ne savait pas trop par où s’engager mais il lui semblait voir des traces de roues dans l’herbe. Elle relança donc les chevaux en rageant. La guerre était finie, c’était une bonne chose, oui, mais il y avait cette gamine ! Tout le monde avait oublié qu’elle existait, et il avait fallu qu’un cousin revienne d’un pays étranger pour réclamer de la voir. Et c’était elle qui devait aller la chercher, bien sûr ! Personne d’autre ne connaissait le chemin, comme par hasard ! La prochaine fois, elle ne se laisserait pas faire, ou elle finirait par être exploitée ! On finirait par la prendre pour une sotte !
La colère lui faisait perdre la notion du temps et presque oublier justement pourquoi elle était venue. Mais bientôt elle pénétra dans un bois. Il ne semblait pas bien grand, certes, mais quand même, elle préférait conduire en voyant le ciel au-dessus de sa tête. Elle mit les chevaux au pas. L’atmosphère était étrange, dérangeante... Elle lui donnait l’impression d’un présence qui la suivait, ou la précédait... qui l’entourait, et l’enserrait de plus en plus jusqu’à pénétrer en elle. Les chevaux la sentirent aussi. Ils s’affolèrent, commencèrent à se cabrer et à ruer. La femme paniqua et lança les chevaux dans un galop effréné à travers les arbres. Le martèlement de leurs sabots résonna longtemps...

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